« Le Merlot Socialiste perd sa couleur«

Il fut un temps où le Merlot Socialiste emplissait les verres et les cœurs.
Un vin rond, généreux, aux tanins souples, qui savait parler au peuple sans heurter le palais.
Il réchauffait les banquets de coopératives, les repas de section et les discours de fin de récolte.
On y goûtait la promesse d’une terre juste, d’un chai partagé, d’un futur fermenté à parts égales.
Mais les saisons passent, les vignes s’épuisent, et la cuve s’est doucement vidée. À force de chercher le consensus, le Merlot s’est rosé d’indécision. Ni rouge, ni blanc, ni vraiment clair : un vin de compromis, tiède comme un programme modéré.
Dans la Cav’Coop Nationale, on le sert encore à la buvette, mais sans la même ferveur.
Les vieux vignerons soupirent : “C’était meilleur quand ça piquait un peu.”
Le Merlot Socialiste a tout essayé pour raviver sa robe : quelques alliances en barrique, un passage éclair en fût d’opposition, une tentative de co-fermentation avec le Pinot Centriste…
Mais rien n’y fait : le vin s’éclaircit, le tanin s’évapore, et la mémoire du rouge s’efface lentement dans la chaleur du chai.
Pourtant, au détour d’une dégustation militante, certains jurent sentir encore un fond de fruit, une note sincère, un écho d’époque : celle où l’on rêvait d’un grand cru populaire, sans sulfites ni actionnaires. Les derniers œnologues idéalistes griffonnent des notes : “Bel équilibre en nostalgie, finale douce-amère. À ouvrir si la météo politique s’adoucit.”
Mais les temps sont au stress hydrique idéologique. Les jeunes ceps se tournent vers de nouveaux assemblages, plus aromatiques, plus trendy.
Le Merlot, lui, garde son rang d’ancien respectable, invité aux vendanges par habitude plus que par envie. Il salue les discours, hoche la grappe et murmure : “Moi aussi, j’ai voulu changer le monde… à température contrôlée.”
Dans la cave, les barriques l’écoutent sans trop y croire. Le Cabernet républicain l’observe de haut, la Syrah insoumise le bouscule au passage, et le Pinot centriste lui sourit poliment avant de filer au prochain colloque de la modération.
Alors, le Merlot Socialiste se retire dans son coin, regarde ses reflets pâlir, et se dit qu’après tout, il vaut mieux être un vin fatigué qu’un vin frelaté.
Notes de dégustation politique
- Robe : rosée fragile, nuances d’ancien rouge.
- Nez : arômes de promesse et de souvenir, pointe de cire électorale.
- Bouche : douce et fluide, mais la finale manque de conviction.
- Garde : limitée – le vin s’oxyde vite à l’air du temps.
Contexte du millésime
Début d’année morose : inflation des idées, gel tardif des convictions, et un climat politique qui ne favorise plus la fermentation collective. Les vieux terroirs socialistes peinent à se régénérer ; les jeunes pousses lorgnent ailleurs, vers des cépages hybrides plus photogéniques et des crus sans parti pris.
Pourquoi ce texte
Parce qu’il fallait bien rendre hommage à ce vin-symbole d’une époque où le mot “solidarité” avait du corps.
Parce que le Merlot Socialiste, même décoloré, garde dans sa chair la trace d’une vigne qui croyait encore à la fraternité.
Et parce que dans les caves de la République, il reste des bouteilles à déboucher…
pour se souvenir de ce qu’était le goût du rouge, avant la tiédeur des rosés consensuels.
“À force de chercher la teinte moyenne, on finit par perdre la couleur.”
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