Pinot Noir Présidentiel — Le petit grain sous influence
Dans la vaste Cav’Coop Nationale, le Pinot Noir Présidentiel reste un cas à part.
C’est le cépage au grain le plus petit, mais aussi l’un des plus remuants.
Un raisin serré, nerveux, hyper concentré, convaincu très tôt que la vigne entière devait tourner autour de lui — et surtout autour de ses besoins immédiats.
Issu d’un terroir de pouvoir précoce, il a bâti sa réputation sur une agitation permanente :
réformes pressées, discours saccadés, vinification sous tension.
Le Pinot Noir Présidentiel n’élabore pas lentement : il prend, il utilise, il dépense — souvent avec l’argent des autres, persuadé que la barrique publique est un bien commun… tant qu’elle lui est accessible.
Mais à force de vendanges limites et de comptes trop créatifs, le voilà entré dans l’histoire ampélographique nationale comme le premier cépage présidentiel officiellement incarcéré.
Un précédent.
Un choc dans les chais.
Dans les rangs voisins, certains vieux cépages socialistes résistants ricanent doucement.
Eux aussi ont connu les excès, les arrangements, les abus de cuve.
Eux aussi auraient sans doute mérité quelques semaines de repos carcéral en cave fraîche.
Mais le sort — ou l’assemblage judiciaire — les a épargnés.
Ils regardent donc le petit Pinot partir en cellule avec un mélange de satisfaction discrète et d’amertume tardive.
À peine enfermé, déjà en fermentation spirituelle et habitué aux murmures, le Pinot Noir Présidentiel annonce sa transformation.
Entre deux barreaux, il découvre la foi, la vraie — du moins selon lui.
À sa sortie, il publie sans attendre son Journal du Pinot Prisonnier, récit boisé, très autocentré, où chaque page parle moins de faute que de destin contrarié, moins de responsabilité que de grandeur incomprise.
Aujourd’hui encore, il affirme avoir gagné en profondeur. Mais beaucoup y décèlent surtout un vin court en bouche, long en justification, et riche en notes d’encens tardif.
Depuis sa sortie de cave pénitentiaire, le Pinot Noir Présidentiel a compris une chose :
seul, il risque l’oubli. Alors il cherche l’assemblage. L’assemblage de la dernière chance.
Le voilà désormais très proche du Chardonnay National. Un grand blanc droit, fier de sa robe claire, rigide dans ses principes, longtemps méfiant envers ce petit noir agité et imprévisible.
Hier encore, ils se regardaient de loin.
Le Pinot trouvait le Chardonnay trop raide.
Le Chardonnay jugeait le Pinot trop nerveux, trop brouillon, trop coûteux.
Mais le temps, les affaires judiciaires et la peur du déclassement rapprochent parfois les cépages les plus incompatibles.
Aujourd’hui, le petit grain noir se presse contre le grand blanc, louant soudain la tradition, l’ordre, la morale retrouvée. Il promet discipline, stabilité, respect des règles — lui qui, hier encore, siphonnait la cuve commune sans sourciller.
Le Chardonnay National accepte ce rapprochement. Par calcul. Il y voit la preuve que même les cépages les plus agités peuvent, un jour, rentrer dans le rang… ou au moins servir la même étiquette.
Dans la Cav’Coop Nationale, les anciens observent ce mariage avec scepticisme :
un petit noir en quête de rédemption,
un grand blanc en quête de majorité,
et une cuvée annoncée comme neuve
mais dont l’arôme rappelle furieusement des millésimes déjà éventés.
Profil sensoriel
- Robe : sombre, brillante, très travaillée
- Nez : pouvoir, cuir médiatique, encens récent
- Bouche : attaque vive, agitation constante, structure étroite
- Finale : persistante… surtout dans les livres et les plateaux
Température de service
Toujours tiède.
Jamais vraiment frais.
