Les années 1970 et 1980 marquent un tournant pour l’agriculture française.
Face à la crise agricole et à l’exode rural, de nombreux agriculteurs cherchent à diversifier leurs activités. C’est dans ce contexte que l’agritourisme émerge, offrant une nouvelle perspective pour les campagnes.
L’agritourisme, un héritage du Larzac ?
La crise du Larzac est un épisode marquant de l’histoire contemporaine française. Ce mouvement de désobéissance civile, qui s’est déroulé de 1971 à 1981, a opposé les paysans du causse du Larzac à l’État français, qui souhaitait étendre un camp militaire sur leurs terres.
Les paysans du Larzac décident de résister pacifiquement à ce projet. Ils occupent leurs terres, refusent de payer leurs impôts et organisent des manifestations. Leur détermination et leur courage inspirent rapidement de nombreux sympathisants, tant en France qu’à l’étranger en provoquant une grande mobilisation paysanne.
La contestation s’élargit car au-delà de la question de l’extension du camp militaire, la lutte du Larzac devient un symbole de la résistance à l’industrialisation de l’agriculture, à la concentration des terres et à la dégradation de l’environnement. Le mouvement attire des milliers de personnes, de tous horizons, qui viennent apporter leur soutien aux paysans. Des intellectuels, des artistes, des étudiants, mais aussi des syndicalistes et des politiques se mobilisent leurs côtés.
Finalement 1981 mettra fin après dix ans de lutte acharnée au projet d’extension du camp militaire et cette victoire est perçue comme un triomphe pour les paysans du Larzac et pour tous ceux qui se sont battus pour la défense de la terre et des modes de vie traditionnels. Cette crise contribue à remettre en question le modèle agricole productiviste et à favoriser l’émergence de nouvelles pratiques agricoles, plus respectueuses de l’environnement et des hommes et à renforcer le mouvement écologiste.
Un réveil des consciences et un véritable tournant pour l’agriculture
Les modes de vie ruraux, souvent dénigrés et menacés par l’industrialisation de l’agriculture, sont mis en lumière ; cela contribue à redonner la fierté aux agriculteurs et à valoriser leur savoir-faire. Cette mobilisation permet également de sensibiliser l’opinion publique aux enjeux de la protection de l’environnement et de la préservation des espaces naturels.
Elle favorise la création de réseaux entre les agriculteurs et renforce leur sentiment d’appartenance à une communauté.
De nombreux agriculteurs ont été inspirés par la lutte du Larzac pour explorer de nouvelles voies et l’agritourisme, en particulier, s’est développé dans un contexte marqué par la volonté de valoriser les produits locaux et de créer de nouveaux liens avec les consommateurs. Le développement de l’agriculture biologique s’amorce ainsi et va de pair avec l’évolution de la perception de la terre, non plus seulement comme un moyen de production, mais comme un patrimoine à préserver.
En fait, tout cela déclenche la naissance du mouvement d’agritourisme qui répond à plusieurs enjeux : économique, social et environnemental.
L’agritourisme des années 1970 et 1980 était encore un concept relativement nouveau et peu formalisé
Il s’agissait souvent d’initiatives individuelles, menées par des agriculteurs souhaitant diversifier leurs revenus et partager leur mode de vie.
En effet, les premières formes d’hébergement sont souvent rudimentaires. Les touristes sontt accueillis dans des chambres aménagées dans les dépendances de la ferme, avec un confort sommaire. Les repas, préparés avec les produits du jardin, sont copieux et authentiques, mais parfois un peu rustiques pour les palais les plus délicats ! Bref, un accueil « à la bonne franquette » !
Les agriculteurs vendent leurs produits directement aux consommateurs à la sortie de la ferme. Les clients viennent remplir leurs paniers de légumes de saison, de fruits, de lait, de fromages … Ces échanges sont l’occasion de créer du lien social et de favoriser une consommation plus responsable.
Les premières années sont marquées par de nombreuses difficultés. Il faut trouver un équilibre entre les activités agricoles et les activités touristiques, gérer les imprévus liés à la météo et aux aléas de la production, et s’adapter aux attentes parfois contradictoires des touristes.
Certains agriculteurs ont l’idée d’ouvrir leurs portes aux écoles pour faire découvrir aux enfants le monde de la ferme. Les élèves peuvent ainsi assister à la traite des vaches, ramasser des œufs, ou encore nourrir les animaux. Ces expériences souvent très enrichissantes sont aussi parfois un peu désordonnées !
Enfin, l’agritourisme n’est pas encore encadré par une réglementation spécifique. Les agriculteurs sont libres de développer leurs activités comme ils l’entendent, ce qui favorise une grande diversité d’initiatives, mais pose aussi des problèmes de sécurité et de qualité.
Une aventure humaine avant tout.
Les agriculteurs qui se sont lancés dans cette voie étaient des pionniers, animés par une volonté de partager leur passion et de faire découvrir leur terroir.
Ces premières expériences ont jeté les bases de ce qui allait devenir un secteur touristique majeur en France. Elles ont permis de sensibiliser le public aux enjeux de l’agriculture et de la ruralité, et de valoriser les produits locaux.
Si l’agritourisme n’est pas né de la crise du Larzac, il a indéniablement été favorisé par ce mouvement. En effet, la valorisation des modes de vie ruraux, la volonté de créer du lien social et la recherche de nouvelles sources de revenus ont été des moteurs importants du développement de l’agritourisme dans les années qui ont suivi.
En guise de conclusion, la crise du Larzac, plus qu’un simple conflit local, a eu un impact profond et durable sur l’agriculture française. Elle a contribué à revaloriser les modes de vie ruraux, à renforcer les liens entre les agriculteurs et à favoriser l’émergence de nouvelles pratiques agricoles. L’agritourisme, en tant que réponse à la crise agricole et à la volonté de préserver les territoires ruraux, est l’un des héritages les plus visibles de cette lutte emblématique.